Tendances conso
L’économie de la passion : une consommation en quête de sens
C’est en partant du constat que les individus transforment leurs passions en sources de revenus notamment grâce à de nouvelles plateformes de monétisation (Patreon, Only Fans, Substack, Twitch et autres) que Adam Davidson annonçait en 2020 l’ère de l’économie de la passion.
Son livre “The passion Economy, The New Rules for Thriving in the Twenty-First Century”, décrit cette économie qui répond avant tout au désir de sortir de la standardisation à tout prix.
De l’exclusivité de l’offre à la passion comme raison pour une consommation pleine de sens, cette nouvelle économie porte des valeurs qui redéfinissent les modèles économiques des marques.
Passion = Raison
L’économie de la passion apparaît comme symptomatique d’une société en quête de sens.
Elle nous réconcilie avec nos aspirations et nos valeurs pour une consommation et une production plus raisonnée. Par ses modèles économiques, la consommation de masse et la standardisation sont rejetées et le travail se redéfinit en cohérence avec ses motivations personnelles.
Tandis que 65 % des membres de la génération Z pensent que leurs passions les définissent (VIRTUE, 2020), 53% des Millennials sont fortement d’accord pour dire qu’ils se définissent par ce qu’ils font dans la vie (Mintel, 2019). Être rémunéré pour ses passions apparaît comme un moyen de réconcilier durablement notre identité avec la société en contribuant avec sincérité à sa prospérité.
De plus, l’économie de la passion encourage une production à plus petite échelle et une consommation de proximité. L’individu contribue et s’investit pour sa communauté par une technologie reconsidérée comme un outil afin d’assurer la transparence des échanges.
Que ce soit des vidéos pédagogiques, des newsletters payantes ou des œuvres artisanales, la valeur ajoutée réside dans un modèle économique qui décentralise la consommation pour valoriser ce qui compte à une échelle personnelle et intime pour chaque individu.
Exclusivité = Loyauté
Alors qu’auparavant l’économie de masse conduisait l’individu à se conformer à une entreprise et à exécuter un labeur, il est désormais plébiscité d’entreprendre et de se concevoir soi-même en tant que projet.
L’émergence de la culture de l’entreprenariat 2.0 et de ses plateformes soutient ce modèle où l’individu porte sa propre économie. C’est une véritable quête de sens autant du côté de la production que de celui de la consommation où l’on rejette la standardisation pour sortir du lot et retrouver de la valeur.
Ainsi, l’exclusivité l’emporte sur la logique du “one-size-fits-all”.
En Chine, cette demande est déjà bien présente avec 53% des jeunes de la gen Z qui préfèrent des marques qui fournissent des services sur mesure. (McKinsey & Company / China, November 2020)
Mais au-delà du sur-mesure et d’une exclusivité à la carte, l’économie de la passion valorise la prise de risque d’une offre très limitée pour une audience très ciblée. L’objectif de ce parti pris est bien de fidéliser plus que de rendre visible sa marque à l’heure où l’infobésité et le tout visuel saturent l’esprit des consommateurs.
Pour cette économie, quelques passionnés valent mieux que beaucoup de clients indifférents. C’est un commerce au marketing moins agressif où l’exclusivité est gage de loyauté.
Demain, les marques devront rencontrer les besoins du consommateur à une échelle plus intime, adaptée à leurs aspirations, priorisant la qualité et l’exclusivité de leur offre plutôt que la quantité.
Affinité = Communauté
Faire société et se retrouver ensemble était l’une des promesses des réseaux sociaux et suite à la crise sanitaire et économique, le défi reste le même : (re)créer du lien.
En proposant une offre ciblée et sincère reflétant les valeurs du créateur de contenu sur des plateformes indépendantes, un lien intime se tisse entre ce dernier et son audience. Producteurs et consommateurs retrouvent une relation de proximité où la passion devient fédératrice.
Ce sont des communautés d’appartenances qui émergent où l’individu est prêt à investir du temps et de l’argent pour faire partie d’un cercle de passionnés. L’enjeu n’est pas de favoriser un certain élitisme mais bien d’assurer la qualité et le sens du contenu offert par des systèmes de monétisation transparents.
Suivant cette logique de payer et être rémunéré par sa passion, la culture du fandom ou fan club est remise au goût du jour : on s’abonne et on souscrit, on follow et on se réapproprie.
Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, échanger avec les créateurs et veiller à un investissement et une rémunération équitable.
Le consommateur devient davantage un artisan décisionnaire des modèles économiques de ses marques fétiches grâce à l’essor de plateformes collaboratives, d’espaces en ligne et physique, créés par des fans pour des fans.
Il pourra être opportun de donner les moyens et outils à ses fans pour créer une offre singulière, à l’image des fanfictions, ces œuvres créées par des fans qui se réapproprient les éléments propres à un modèle, afin d’élargir l’univers narratif de la marque.
Finalement, les mêmes dynamiques ayant données naissance à la “gig economy” permettent désormais aux consommateurs de participer activement à la création de valeurs riches de sens en marge d’une consommation standardisée accusée d’uniformiser la culture.
Demain, cette quête de sens à laquelle l’économie de la passion répond, embrassera les impératifs d’une technologie plus consciente et pourra converger avec la demande d’une consommation plus locale, toujours conçue dans des rapports de proximité et laissant imaginer des réseaux de production décentralisés régies par les affinités des communautés.